Culture Bretonne : des histoires dans l'Histoire

Cette semaine, et pour changer un peu d'actualités, nous vous proposons un pas dans le passé, et des histoires dans l'Histoire en Bretagne.

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Le phare de Maen Ruz en Ploumanac’h. Carte postale. Le Carton voyageur : AA00021560.

Histoire des phares en Bretagne

Auteur : Jean-Christophe Fichou / janvier 2019

Si le mot far est automatiquement associé à la Bretagne, phare l’est aussi. Est-il en effet possible d’envisager le littoral armoricain sans ces édifices dont le nom seul est une invitation à prendre la mer : Kéréon, la Jument ou encore Ar-Men, le plus célèbre d’entre tous. Pourtant, l’histoire de ces édifices doit se comprendre dans un cadre beaucoup plus vaste que celui offert par le littoral armoricain.

Le service des Phares


Jusqu’en septembre 1791 la gestion de la vingtaine de feux établis sur l’ensemble des côtes du royaume relève d’organismes divers, aussi bien publics que privés. Cependant, la situation catastrophique de l’éclairage sur le littoral pousse les autorités à créer le 15 septembre 1792 une administration particulière chargée de remédier au problème. L’État l’élève à l’échelon national alors que l’éclairage des côtes relevait auparavant du niveau provincial ou municipal et était confié aux représentants du commerce local. D’une certaine manière, les phares, en Bretagne comme ailleurs sur le reste du littoral français, découlent de la montée en puissance de l’État central qui émerge avec la Révolution de 1789. Le vote de la loi de 1792 part de surcroît d’un principe excellent et totalement novateur, à savoir d’une part l’unité de gestion et de décision, d’autre part la codification des responsabilités de la puissance publique dans le domaine de la signalisation maritime.


Le phare du Légué, à Saint-Brieuc. Carte postale. Le Carton voyageur : AA00022902.

La Marine, chargée traditionnellement de cette question, perd graduellement son autorité et Napoléon, par le décret du 7 mars 1806, achève le transfert vers l’administration des Ponts et Chaussées, dorénavant responsable de la réalisation et de l’entretien des marques du balisage. Toutefois, ce n’est qu’au lendemain des guerres napoléoniennes qu’un vaste chantier de construction de bâtiments publics s’organise, conformément aux décisions prises par la Commission des phares créée en 1811, et à laquelle est nommé, en mai 1819, l’ingénieur des Ponts Augustin Fresnel. Avec le capitaine de Rossel, il s’attache à la rédaction d’un projet d’éclairage des côtes de France, présenté en mai 1825. Cet ambitieux programme s’appuie sur trois classes de feux : les marques d’atterrissage, les marques de jalonnement – phares transitoires entre deux phares d’atterrissage – et les fanaux de ports. En fonction des moyens imaginés par Augustin Fresnel pour augmenter la puissance des lampes et des appareils optiques devant équiper les phares, la Commission arrête les bases principales du dispositif général d’éclairage des côtes, définitivement adopté le 9 septembre 1825. Les phares doivent être au nombre de 51 dont 28 de premier ordre, 5 du deuxième et enfin 18 de troisième ordre, tous équipés des fameuses optiques de Fresnel. Pour compléter le dispositif, il était prévu l’installation de 35 feux de ports. Pour parvenir à la réalisation du but fixé par le programme, il faut ériger une quarantaine de tours conçues en grande partie sous l’autorité de Léonce Reynaud, ingénieur des Ponts et Chaussées, qui sera directeur du Service des phares pendant trente-huit ans.

Le Duc de Salisbury arrivant à Conway (miniature du XVe siècle). The British Library: Harley 1319 f. 14v.

Auteur : Laurence Moal / février 2020

 

 

Aux XIVe et XVe siècles, le duché

de Bretagne connaît une forte augmentation du trafic maritime. C’est à

la fois un centre important du commerce européen et une étape sur les

routes sud-nord entre l’Angleterre, la Flandre, les Pays-Bas, la

Normandie, le sud-ouest de la France et les royaumes ibériques. Les

marins bretons, véritables rouliers des mers, sillonnent les côtes de

l’Europe. De nombreux étrangers viennent aussi en Bretagne par bateau.

Comment naviguent les pilotes et maîtres de navire afin de mener leur

équipage et leur cargaison à bon port ?

 

 

 

 

 

 

 

Au début des Grandes découvertes, avant la généralisation de la navigation astronomique, l’art de naviguer se transmet oralement, de génération en génération. Les marins doivent acquérir une connaissance précise des dangers parsemant les eaux proches de leur port d’origine. Pour les secteurs de navigation plus lointains, ils peuvent consulter des recueils d’instructions nautiques appelés routiers, comme Le Grand Routier rédigé par Pierre Garcie, maître de navires de Saint-Gilles-sur-Vie, en 1484, et imprimé en 1520. Il explique comment faire route le long des côtes atlantiques de l’Europe avec une sonde et une boussole pour seuls instruments. L’auteur propose une méthode pour déterminer les phases de la lune. Il explique aussi comment calculer le moment de la pleine ou de la basse mer en fonction de l’âge de la lune, ou déterminer l’heure pendant la nuit. Ce type de navigation est basé sur un sens extraordinaire de l’observation. De nombreux passages concernent la Bretagne.

Une navigation périlleuse

Les côtes bretonnes ont mauvaise réputation au Moyen Âge. Selon la coutume de Bretagne, « le pays de Bretaigne est de si grant dangier, que a peinne par deux ans peut navire mareer sans venir en dangier de la seigneurie dudit duc et comte de Bretaigne ». Les nombreux rochers et les courants violents rendent la navigation difficile. Pierre Garcie recommande d’éviter « le cap d’Ouessant » (le Stiff) car il n’y a ni abri ni repos et « les courants y sont merveilleux, impétueux et grands ».

 

Abords

de la péninsule armoricaine (détail) par Grazioso Benincasa (XVe

siècle).Gallica / Bibliothèque nationale de France: GE DD-6269 (RES).

Les conditions de navigation dépendent de la direction et de la force du vent, des courants de marée, ainsi que de l’état de la mer. Les navires marchands de la fin du Moyen Âge sont des bateaux de charge très lourds, peu manœuvrants, qui ne remontent pas au vent. Pour aller dans une direction déterminée, il faut donc attendre que le vent soit favorable, changer d’itinéraire ou bien faire demi-tour. La progression peut être

difficile et la durée du trajet est aléatoire. Les entrées de port sont souvent délicates. Dans certains cas, il est possible de faire appel à un loman ou lamaneur.

Le navire peut aussi être remorqué par une embarcation à rame ou par déhalage à la main. Les naufrages sont nombreux, comme celui que subit un navire anglais à l’entrée du Blavet le 19 décembre 1478. Le risque de tout perdre incite les marchands à se couvrir par l’achat de brefs.

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Représentation d’une bataille navale de Jeanne de Belleville

Corsaires et pirates en Bretagne

Auteur : Gael Briand / novembre 2017

On imagine souvent pirates et corsaires dans les Caraïbes, mais nombre d’entre eux venaient d’Europe. Or, parmi les principaux ports corsaires d’Europe, deux sont bretons : Saint-Malo et Morlaix. La Bretagne a donc abrité beaucoup de pirates et de corsaires au cours des siècles.


Villes-ports, Morlaix, Saint-Malo ou même Nantes doivent beaucoup à la mer. Aux XVe et XVIe siècles, ces villes sont réellement cosmopolites et polyglottes. La Bretagne, riche de milliers de rias, havres, baies ou golfes, est ouverte sur le monde et commerce avec lui principalement par voie maritime, espace convoité où les différentes nations se mènent une guerre effrénée pour le contrôle du monde.


Jaloux des conquêtes espagnoles, François Ier finance pour la première fois une mission d’exploration. Michel Le Bris estime que « l’intégration de la Bretagne au royaume de France, achevée en 1532, lorsque François Ier en hérite au nom de son fils le dauphin, apporte, dirait-on, une impulsion nouvelle. Ce n’est pas seulement un littoral exceptionnel qui s’ajoute ainsi aux terres de la Couronne, mais aussi une très riche et très ancienne culture maritime ». L’intérêt du souverain pour le monde se traduit rapidement par la légalisation croissante d’une activité millénaire : la piraterie.

Pirates et corsaires


Le mot « pirate », issu du grec ancien peiratês, témoigne d’une activité millénaire. Celui de « corsaire », lui, est beaucoup plus récent. Il est issu du latin cursus qui veut dire « cours » et date du XVe siècle. Néanmoins, les deux mots sont parfois utilisés comme synonymes bien que pirates et corsaires ne disposent pas du même statut. Les premiers étaient des hors-la-loi, et risquaient donc la potence en cas de capture, mais ne se pliaient qu’à leurs propres règles, décidées collectivement sur le navire.


Les corsaires, eux, étaient des marins mandatés qui disposaient d’une « lettre de course » de leur souverain (ou de son administration). C’était une manière pour le monarque de faire la guerre à peu de frais, en s’attaquant aux navires marchands plutôt qu’aux vaisseaux militaires afin d’affaiblir l’économie de la nation rivale. Ces corsaires agissaient librement, mais obéissaient tout de même aux codes de la guerre. Ils devaient respecter les vies et les biens des personnes à qui ils s’attaquaient. Seul le butin matériel était visé. Leur vaisseau de prédilection était le sloop ou le cotre, de petits navires de 26 mètres de long, taillés pour la vitesse, et qui demandent peu d’hommes pour manœuvrer.


La baix de Morlaix dont l’entrée est gardée par le château du Taureau - Wikimedia (Menerlach)


Le rapport du corsaire morlaisien Nicolas Anthon (1714~1753) fait état de la façon dont étaient rançonnés les navires : « on délivrait alors un reçu, que le capitaine rançonné pouvait présenter si un nouveau corsaire l’arraisonnait. Il était en effet interdit de rançonner deux fois le même bateau. Si la prise promettait une bonne vente, on la ramenait à bon port (Morlaix), où le tribunal des prises devait tout d’abord estimer si le bâtiment saisi était “de bonne prise”. On pouvait seulement ensuite procéder à la vente aux enchères, sinon, il fallait le rendre à ses propriétaires. Les gains étaient répartis entre l’État, les armateurs et l’équipage. Les veuves et les blessés touchaient une part majorée ».

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La Bretagne viking (913-936)

Auteur : Tudi Kernalegenn / décembre 2016

De Nominoë à Alain le Grand, un royaume de Bretagne émerge à la fin du IXe siècle. Celui-ci disparaît toutefois en 913 sous les coups des Vikings. Jusqu’en 936-937, la Bretagne n’existe plus comme réalité politique. Ses élites l’ont quittée. Des principautés scandinaves s’installent.


Le 24 juin 843, jour de la Saint-Jean-Baptiste, une flotte de Vikings norvégiens remonte la Loire et s’empare par surprise de Nantes. La cité est pillée de fond en comble, l’évêque tué en sa cathédrale, les habitants massacrés ou capturés pour être vendus comme esclaves. C’est le début d’un siècle entier de confrontations entre les Bretons et les Scandinaves, qui laisseront la péninsule exsangue. Les rois bretons tiennent les Vikings à l’écart malgré des affrontements fréquents. En 853, les Vikings s’installent néanmoins sur l’île de Bièce, juste en face de Nantes, qu’ils ne quitteront quasiment plus pendant trois quarts de siècle. Ils organisent sur l’îlot ligérien un camp fortifié doublé d’un marché permanent où ils écoulent le produit de leurs pillages. Dans les années 880, profitant de la guerre civile qui divise les Bretons, les Scandinaves contrôlent même une bonne partie du territoire breton, avant que le roi Alain le Grand les chasse.

Départ des élites


En 913, la mort de Gourmaëlon, successeur d’Alain, laisse la Bretagne sans souverain légitime. Elle devient une proie de choix pour les pillards scandinaves, territoire naturel d’expansion, quand tout le reste de l’Europe du Nord-Ouest est déjà soit sous le joug viking, soit bien protégé par des princes puissants. En 911, avec le traité de Saint-Clair-sur-Epte, le roi franc Charles III a ainsi concédé Rouen et la basse vallée de la Seine, noyau de la future Normandie, au chef scandinave Rollon.


De fait, en 913 les Vikings attaquent et pillent l’abbaye de Landévennec, alors la plus importante fondation monastique de Bretagne occidentale, ébranlant profondément le pouvoir spirituel breton. Les raids dévastateurs se succèdent désormais, sans rencontrer la moindre résistance. En 919, Rögnvaldr (Ragenold) porte le coup de grâce à l’ancien royaume en lançant une attaque massive sur la péninsule et en s’installant à Nantes, d’où il semble contrôler la Bretagne entière.


Depuis 913, ecclésiastiques et aristocrates avaient commencé à quitter massivement la Bretagne pour se rendre en Francie ou en Angleterre. L’invasion de Rögnvaldr renforce le mouvement, la majorité des élites restantes quittant alors le pays en 919-920. Elles emportent avec elles reliques et manuscrits, au point qu’il ne reste en Bretagne aujourd’hui aucun des textes composés dans les actifs scriptoria   monastiques bretons avant l’arrivée des Vikings. En certains endroits, tout particulièrement dans le pays nantais, l’émigration semble même massive. La Chronique de Nantes, rédigée au siècle suivant, souligne que « seuls les pauvres bretons cultivant la terre restèrent sous la domination des barbares, sans guide et sans soutien ». Le comte de Rennes, Juhel Bérenger, se maintient néanmoins tout au long de la période grâce à une habile politique de bascule entre les Francs et les Normands.

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Combat livré à la côte Malabar au vaisseau de la compagnie des Indes

L'Indien et à la Palle l'Iphigénie par la flotte des Marattes le 16

février 1770. Gallica / Bibliothèque nationale de France.

À bord des navires de la Compagnie des Indes


Auteur : Gael Briand / mars 2019


La vie à bord des navires de la Compagnie des Indes n’a rien d’une gentille et reposante croisière dans les mers les plus exotiques du globe. Le voyage est aussi long – plusieurs années, comme la Danaé par exemple, qui appareille en 1724 et ne revient que trois ans plus tard – que constellé de dangers : coups de vent redoutables dans le golfe de Gascogne ou au large du cap des Aiguilles, récifs d’autant plus traîtres que la cartographie maritime est encore balbutiante, combats navals contre des navires corsaires, pirates ou encore britanniques… Mais le danger le plus redouté sur ces navires en bois reste bien entendu le feu.


Comme tous les vaisseaux de l’époque moderne, les navires de la Compagnie des Indes sont caractérisés par un confort sommaire et la promiscuité y règne en maître. Les passagers côtoient l’équipage mais sans pour autant se mélanger car le bateau est régi par un ordre social strict qu’il ne saurait être question de transgresser. Cependant, les changements au sein de ces microsociétés ne sont pas rares : la mort du fait d’un combat naval impromptu ou d’une quelconque fièvre tropicale y est pour beaucoup, de même que les désertions et autres changements de navires lors des escales.


Aux qualités navales des bâtiments à phares carrés qui éprouvent les pires peines à remonter au vent s’ajoutent les rigueurs de la navigation en convoi : afin d’assurer la sécurité de chacun, l’on se calque sur le plus lent des bateaux. L’arrivée aux « Indes florissantes » peut apparaître interminable, surtout que l’équipage est aux ordres de capitaines qui, seuls maîtres à bord après Dieu comme le veut la formule consacrée, peuvent faire régner une discipline des plus rigoureuses.


Sur les navires de la Compagnie des Indes, comme sur ceux de la marine de guerre du reste, les conditions d’hygiène sont déplorables. Les cales sont chargées d’un air d’autant plus lourd et vicié que l’on navigue dans des parages où règne une chaleur étouffante et une humidité permanente. Disposer à bord d’eau non croupie est une véritable gageure et à chaque repas le scorbut guette. À cela vient s’ajouter un roulis incessant, de nature à importuner même les plus amarinés des cœurs. Dans de telles conditions, la moindre manœuvre devient des plus dangereuses, notamment lorsqu’il s’agit de prendre un ris du fait de la tempête : malgré le vent et la houle, les marins doivent grimper dans les mâts et, comme des voltigeurs, se frayer un chemin sur les vergues.


AUTEUR : Gael Briand